• Le temps des diligences

       LE TEMPS DES DILIDENCES                                     
     par Louis Arnaud
     

    "Les hommes et les choses passent, ils ne laissent qu'un souvenir; un souvenir qui, à son tour, s'effacera lentement, et finalement, il ne restera plus rien de ce qui faisait le charme de la vie d'autrefois. La vie trépidante d'aujourd'hui, les chemins de fer, les automobiles, les avions, laissent à peine transpercer le souvenir de cette époque si calme et si paisible que l'on appelle encore « Le Temps des Diligences ». Le monde est pris par la tourmente,
    le progrès l'emporte, le transporte.
    Le Passé est aboli par la vitesse. et le vertige qu'elle provoque, annihile l'effort qui pourrait rappeler le souvenir.
    Et pourtant, ce passé n'est pas loin, derrière nous, et certains se souviennent encore, d'avoir connu à Bône, ce temps des diligences, qu'on pourrait croire tenir à un temps de légende, tant ce mode de locomotion parait archaïque à côté de nos actuels et luxueux sleepings et wagons-restaurants, de nos avions confortables et de nos autocars commodes et rapides.

    De Bône, en effet partaient autrefois, - un autrefois relativement récent des services de diligences, réguliers et quotidiens, qui reliaient notre port à Jemmapes, La Calle, Sédrata et Ain-Bàida, qui n'étaient pas encore pourvues de liaisons ferroviaires avec le reste du Département.

    Ces diligences, voitures énormes, monstrueuses presque, attelées de six chevaux, à la croupe ronde et lustrée, soigneusement et solidement harnachés, partaient à la tombée du jour, les unes de la Pelleterie - Bourrellerie SASS, à l'angle de la rue de Tunis et de la Place d'Armes, les autres, de la Buvette Bônoise, au commencement de la rue Saint-Augustin, entre la rue du Quatre Septembre et la rue Héliopolis, qui était tenue par Natal CAMILLERI, lui-même propriétaire de diligence faisant le service de B6ne à Guelma et Souk-Ahras. D'autres enfin, pour Ain-Beïda. partaient de l'ancien café Couronne, exactement en face de l'Hôtel d'Orient et tout près du Crédit Lyonnais.

    On pouvait lire encore après la guerre 1914-1918, sur les colonnes des arcades, devant ce café, les indications des itinéraires et heures de départ des diligences. Chaque départ était une véritable attraction pour les enfants et les gens du quartier.

    Lorsque tous les voyageurs étaient à leurs places, que tout était prêt pour le départ, le cocher, coiffé de son énorme bonnet de fourrure, enfoncé jusqu'aux oreilles et vêtu de son lourd manteau, allait se jucher sur son siège. De là, dominant la foule des badauds, il faisait claquer, en virtuose, la large lanière de son fouet, par dessus la tête des hommes et la croupe des six chevaux qui frémissaient sous les « clic - clac » sonores et ne demandaient plus qu'à s'élancer sur la route. Puis brusquement, d'un seul coup, le cocher qui tenait, bien rassemblées et bien tendues, les quatre rênes commandant l'attelage, rendait la main et faisait claquer une dernière fois son fouet et les chevaux partaient au grand trot et , aussi, au grand bruit des grelots sonores dont leurs harnais étaient abondamment garnis. "


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