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La guerre 1942-43
On était donc à Constantine et on attendait la suite des évènements.
Un copain qui était dans les bureaux est venu me voir en me disant :
- « Michel, ils cherchent quelqu’un pour la DCA (Défense Contre Avion) à Bône. J’ai entendu ton nom, je crois qu’ils veulent t’envoyer là-bas. »
A Bône ils avaient besoin de quelqu’un pour s’occuper des mulets qu’ils utilisaient pour les déplacements de matériel. A l’époque rien n’était motorisé. On utilisait donc les mulets. Comme ils savaient que j’en avais l’expérience et qu’ils voulaient le plus jeune brigadier, j’ai été muté.
Entre temps mon contrat d’engagé est arrivé à expiration et je ne voulais plus continuer dans l’armée. Je voulais essayer de trouver une place dans le civil. J’avais donc une permission libérale et de suite après je devais finir mon temps dans l’armée.
Avec Maman, on habitait Bône. Je me souviens, j’avais un tas de chansons qui étaient en vrac. Je me suis amusé à les classer et à les relier quand les sirènes se sont mises à sonner. J’ai appris que c’était la guerre. J’ai dit à Maman « Je suis en permission. Mon devoir c’est de rejoindre la caserne. » Je suis donc retourné à la caserne. Quand je suis arrivé, ils m’ont dit « De toute façon on serait venus vous chercher ».
Les bombardements sur Bône ont commencé. Pendant que l’armée de Leclerc se battait en Tunisie les allemands essayaient de s’accaparer des côtes algériennes.
On a subi des bombardements intensifs sur le port. On a dû abattre 200 ou 300 avions. Tout le régiment a d’ailleurs été cité à l’ordre de l’armée.
Quand on tirait, tu aurais cru le feu d’artifice.
J’ai dit à maman « Tu ne peux pas rester ici, tu vas retourner à Mondovi ». C’est André Onorati qui est venu avec une charrette. Il a chargé tous les meubles et il les a transportés à Mondovi.
Par la suite je suis parti à Alger alors que tu avais deux jours. On était habillés avec des treillis américains parce qu’on n’avait plus rien.
Après je suis allé en Corse et puis en France. Peu de temps après, la guerre s’est terminée.
La Ville de Bône a été citée à l'Ordre de l'Armée dans les termes suivants :
" A partir du huit novembre 1942, date du débarquement des Armées alliées en Afrique du Nord, le port de Bône a joué un rôle particulièrement important dans les opérations de guerre qui ont conduit à la libération de la France et à la Victoire. La Ville a été éprouvée par les bombardements aériens, cent soixante quatre morts, deux cent deux blessés, trois mille trente cinq sinistrés ont été dénombrés. Les installations portuaires et cinq cent dix-neuf immeubles ont été détruits ou endommagés ".
Cette citation comportait l'attribution de la Croix de Guerre avec palme, qui figure dans les Armoiries de la Ville.
Le plus dur a été le temps que j’ai passé à Bône. Des bombes sont tombées à 3 ou 4 mètres de la position. J’étais abrité au poste de commandement. Les pièces et les hommes qui les servaient, étaient à la merci des avions allemands.
A Mondovi on n’a jamais vu d’Allemands ou d’Italiens combattants. Il y a eu par contre des prisonniers Italiens qui venaient de Tunisie. Chez les Pavet, par exemple, il y avait un camp de prisonniers italiens.
Il y eut au cours de ces huit mois, trois cent neuf alertes, et mille huit cents bombes lancées sur le port et la Ville, faisant cent soixante-quatre morts, et deux cent deux blessés ; détruisant quatre vingt-trois immeubles, et endommageant sérieusement quatre cent trente-six autres.
Des familles entières périrent sous les décombres de leurs maisons. L'école de l'impasse Saint?Augustin fut détruite le matin du vendredi 13 novembre à l'heure de la rentrée des classes. Sept petits écoliers périrent dans cette atroce catastrophe, et tout le quartier fut anéanti, faisant encore de nombreuses victimes.
Le calme ne revint que lorsque les troupes alliées quittèrent la Tunisie pour entrer en Italie.
La population de Bône avait supporté courageusement et allègrement son sort tragique, rançon de la victoire finale en vue.
Par décision Ministérielle du 11 Novembre 1948 , la Croix de Guerre 39/45
fut remise à la ville de BÔNE en Juin 1949 par
le Président de la République Française Vincent AURIOL ( 1884–1966 )
premier Président de la IV ème République de 1947 à 1954.