• De la cigogne de la guerre à celle de la paix.

     

    De la cigogne de la guerre à celle de la paix.

    Reproduction du journal "L'Illustration" (6 juillet 1918)


    6 juillet 1918, la guerre est sur le point de se terminer, l’hebdomadaire « L’Illustration » N°3931 consacre une page entière aux quatre escadrilles composées de « SPAD », les célèbres avions de chasse français de 1918. Ces quatre escadrilles constituent le groupe des cigognes et leurs insignes sont bien sûr des cigognes. Ce volatil pris pour emblème par l’aviation, sans doute en raison de son aisance dans les airs, a fait partie de la vie du village français.

     

    De la cigogne de la guerre à celle de la paix.
    Avion "SPAD" de 1918

    Tournoyant autour de l’église, une cigogne a surpris ce matin ceux qui se sont levés tôt pour aller travailler. Elle a repéré le nid qu’elle avait abandonné à l’automne. Est-ce vraiment celle qui a quitté le village à l’automne dernier ?

    Peut-être pas. On dit cependant que la cigogne a une mémoire visuelle hors du commun. Ils se pourrait donc qu’elle ait reconnu la demeure où ses petits sont nés l’an dernier.

    A Mondovi, deux nids faciles d’accès pour l'oiseau ont toujours existé : l’un sur le toit de l’église, l’autre sur celui de la Tabacoop.


    De la cigogne de la guerre à celle de la paix.


    Les cigognes émigrent à l’automne pour revenir dès le mois de février. Leur voyage a lieu le plus souvent la nuit. Lorsque les mondoviens les aperçoivent c’est le signe que le printemps n’est pas loin. Elles arrivent gracieuses sans même bouger leurs larges ailes blanches aux bouts décorés de noir. Elles tournoient sur le nid et finissent par se poser pour faire l’état des lieux. Tout l’hiver les nids abandonnés ont subi l’agressivité des intempéries. Il faut les restaurer. Pendant une bonne semaine,  c’est un ballet incessant accompagné de la musique des groupes de moineaux  qui sentent que les beaux jours sont bientôt là. Se servant de leur bec de corail les cigognes transportent toutes sortes de branchages et les agencent de façon méthodique pour restaurer la demeure qui  recevra les œufs à couver. C’est le mâle qui se charge de la plus grosse restauration. La femelle s’occupe des finitions. Les nids tiennent comme par miracle sur le fait du toit. Ils sont pourtant là depuis longtemps et c’est là que naîtront les cigogneaux.

    En Algérie, la cigogne comme les hirondelles sont des oiseaux sacrés qui sont sensés apporter du bonheur. Malheur à ceux qui oseraient les chasser. Debout sur une patte elles se font parfois remarquer en renversant leur cou dans les épaules tout en regardant le ciel. Elles jouent alors des castagnettes en claquant du bec comme pour saluer le congénère qui se pose à côté d’elles dans le nid. Ces craquètements bruyants se font aussi, entendre lorsqu’il y a querelle au sein du couple.

    Une année une cigogne n’a pas suivi ses congénères vers d’autres pays chauds. Elle a passé tout l’été déambulant dans l’enceinte de la Tabacoop. Elle était sans doute blessée. Ne pouvant pas prendre son envol, elle n’avait pas eu d’autres choix que de se familiariser avec les hommes qui l’entouraient et qui allaient même jusqu’à la toucher et la caresser. Parmi les curieux qui l’entouraient, il y avait des militaires mécaniciens qui n’avaient pas toujours les mains propres. Le blanc des plumes perdit petit à petit de son éclat jusqu’à devenir d’un gris sale bien foncé.

    On sait que les oiseaux se nourrissent de toutes sortes d’insectes ou de vermisseaux. La cigogne a besoin de proies plus importantes. Elle se nourrit de petits rongeurs, de vers de terre, de grenouilles, d’escargots. Notre cigogne handicapée se nourrissait de ce qu’elle trouvait ou ce qu’on lui offrait. Un jour je l’ai vue avaler un moineau entier que je venais de tuer. Le pinçant avec le bout du bec elle l’envoya avec dextérité au fond de sa gorge. Puis je vis la proie descendre le long du cou marqué d’une boursouflure comme une sorte d’hernie.

    A la différence des hirondelles qui se rassemblaient sur les fils électriques avant de nous quitter, les cigognes partaient discrètement sans même qu’on s’en aperçoive dès les premiers signes du mauvais temps. Comme pour leur arrivée cela se faisait la nuit. Guidées par leur instinct et un sens que l’homme ne possède pas elles savaient alors trouver le chemin qui les conduisaient vers d’autres  pays chauds en prenant la direction du sahara.