• La kémia (texte de Roland Bacri)

     

    Pour parler de la kémia qu'y avait sur le comptoir, y faudrait que je parle d'abondance.
    Les olives, les frites, les escargots piquants, les cacaouettes, les bliblis, les tramousses, les crevettes frites, les anchois, les variantes, toutes des choses salées et relevées, c'est pas bête car soi-disant ça nous donnait l'impression que not' anisette elle allait nous revenir pour moins que rien et total, ça nous donnait tellement soif qu'obligé on tapait sept, huit anisettes au lieu d'une qu'on avait l'intention.
    -----Sans compter que le patron, Attard y nous racontait des histoires tellement imbuvables que rien que pour l'hygiène y fallait la rince !
    -----Une dernière chose : vous avez des aigreurs, des brûlures d'estomac, des coliques, mal au ventre, vous vous frictionnez avec l'anisette, vous mettez un essuie-mains du lavabo sur le ventre pour garder la chaleur, radical !
    -----Une dent du fond ou quoi, elle vous agace ? Vous gardez dans la bouche, à l'endroit, un peu d'anisette pure en gonflant la joue, la douleur elle vous passe comme un rêve !
    -----La fièvre, elle vous monte à la figure ? Une compresse d'anisette sur le front, la température elle vous tombe brusque, comme un jour de plein été à Paris.
    -----Mais pourquoi je vais vous soûler avec tous les bienfaits de l'anisette ? Surtout que l'anisette, on se soûle pas, on se grise, on vient gai, c'est pas pareil !

     

    Roland Bacri    La légende des siestes   Chez Balland