• Les figues de barbarie

    Avez-vous déjà mangé des figues de Barbarie ? Le fruit a une chair, tout ce qu’il y a de plus granuleux. Elle est, en effet constituée essentiellement de graines qui sont d’autant plus dures que le fruit est vert. Pour cette raison, les meilleures figues de barbarie, à mon goût, étaient celles qui étaient bien mûres. Mon père raffolait de ce fruit alors qu’il ne pouvait pas avaler une tomate parce qu’il y avait des graines à l’intérieur.

    La figue de barbarie c’est le fruit du cactus. La plante proliférait en Algérie. Il n’était pourtant pas toujours facile de trouver de beaux fruits comestibles. Certains indigènes s’en étaient fait une spécialité en les vendant sur les marchés ou en les fournissant à la demande à ceux qui voulaient en « faire une cure ». Mon père avait son producteur attitré qui les lui fournissait par cageots à la bonne saison.

    A chaque livraison le travail de préparation était immuable. Il faut surtout faire très attention aux toutes petites épines qui couvrent par plots l’enveloppe verte du fruit. Elles pénètrent dans la peau et sont très difficiles à retirer. Mon père commençait à passer les fruits au jet d’eau. Puis il s’installait avec le cageot entre les jambes. Je m’installais en face, un plat à portée de main prêt à recevoir les fruits pelés. Mon père saisissait alors les figues une à une en évitant de placer ses doigts sur les épines. Il tranchait une rondelle à chaque extrémité puis fendait la peau longitudinalement. Il ouvrait alors le fruit en saisissant la peau de chaque côté de la fente. Mon travail consistait à saisir le fruit pelé et à le placer dans le plat prévu cet effet. Ainsi on ne risquait pas de souiller la figue d’épines. Au repas qui suivait ce travail de préparation les figues étaient servies. Dans la famille à peu près tout le monde aimait plus ou moins ce fruit. Mieux valait, cependant, espacer les cures parce qu’en guise de constipation, il n’y avait pas mieux.

    Il me vient à l’esprit une mésaventure qui est advenue à une sœur arrivée de métropole qui exerçait à la clinique Ste Thérèse de Bône où ma sœur était en traitement à la suite d’un accident. Au cours d’une promenade la sœur découvrit un figuier de barbarie. Ma sœur qui l’accompagnait lui dit que les fruits étaient bons à manger. Avant même qu’elle put lui parler des épines, la sœur tendit le bras pour se saisir d’un fruit qui lui paraissait bien mûr et tout aussitôt le mettre à la bouche. Je vous laisse deviner le résultat de la manœuvre…La promenade fut très vite écourtée…

    Le figuier de barbarie pouvait avoir un tout autre usage. Les petits arabes utilisaient leurs feuilles larges grasses et épaisses pour en faire une palette servant de cible à un jeu de fléchettes. La fléchette était confectionnée avec un morceau de fil de fer rigide. La feuille du figuier nettoyée de ses épines était placée au sol ou sur une table, le jeu consistait à planter la fléchette en faisant, une après l’autre, des figures imposées : main droite, main gauche, au dessus du bras gauche qui pince l’oreille droite, inversement…etc…Voilà qui peut remplacer les jeux électroniques sophistiqués d’aujourd’hui. Nous avions d’autres jeux aussi bons marchés nous aurons l’occasion de les citer.

    Dernier usage connu des feuilles de figuiers de barbaries débarrassées de leurs épines : certains indigènes les utilisaient pour nourrir leurs vaches.